Croix-Rouge canadienne
Programme de suivi des conditions de détention des immigrants (PSCD) Rapport annuel des activités
Période de suivi 2019-2020

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Table des matières

Liste des acronymes

ALD
Agent de liaison en matière de détention
ASFC
Agence des services frontaliers du Canada
CSI
Centre de surveillance de l’immigration
ECP
Établissement correctionnel provincial
HCR
Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
LIPR
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
ONG
Organisation non gouvernementale
PSCD
Programme de suivi des conditions de détention des immigrants
RGT
Région du Grand Toronto
Société
Société canadienne de la Croix-Rouge
SRD
Solutions de rechange à la détention

Sommaire

Il incombe au Programme de suivi des conditions de détention des immigrants (PSCD) de la Société canadienne de la Croix-Rouge (la Société) de surveiller les conditions de détention, conformément au contrat conclu entre la Société et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour la période prolongée du 28 juin 2017 au 15 juillet 2020 inclusivement.

En vertu de cette entente, les activités de suivi de la Société portent sur les éléments suivants associés à la détention de personnes en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) :

Ce rapport présente les observations et les recommandations de la Société à la suite de cinquante et une (51) visites prévues et sept (7) visites menées en réponse à un avis dans vingt-cinq (25) établissements où des personnes sont détenues en vertu de la LIPR, d’avril 2019 à mars 2020. Les constatations, les observations et les recommandations sont regroupées en six thèmes :

À la lumière de ses constatations et observations, la Société formule les principales recommandations suivantes à l’ASFC dans le présent rapport :

Introduction

La Société assure un suivi indépendant des conditions de détention en vertu de la LIPR afin de favoriser un environnement protecteur dans lequel les personnes détenues à des fins d’immigration sont traitées humainement et où leurs droits et leur dignité inhérente sont respectés, conformément aux normes internationales et nationales. Pendant les visites des lieux de détention, la Société surveille et évalue les conditions de détention et le traitement des personnes détenues administrativement en vertu de la LIPR dans des CSI gérés par le gouvernement fédéral, dans des établissements de détention gérés par les autorités provinciales ou dans d’autres établissements correctionnels municipaux Note de bas de page 1. Conformément à une entente conclue entre la Société et l’ASFC, le présent rapport reflète les activités du Programme de suivi des conditions de détention des immigrants de la Société, d’avril 2019 à mars 2020.

Au total, cinquante-huit (58) visites sur place ont été effectuées pendant la période de suivi, y compris celles menées en réponse à un avis concernant une personne détenue en vertu de la LIPR. La Société remercie les représentants de l’ASFC et le personnel des établissements visités d’avoir facilité l’accès aux détenus qui y étaient hébergés.

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré que l’éclosion de COVID-19 constituait une pandémie. La situation demeure une urgence de portée internationale. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, la COVID-19 pose un grave danger pour la santé des Canadiens, et la situation continue d’évoluer quotidiennement. La Société reconnaît que des mesures préventives visant à limiter la propagation potentielle de la COVID-19 dans les établissements de détention sont nécessaires; toutefois, certaines de ces mesures peuvent avoir une incidence sur la capacité de respecter les normes minimales pour les personnes détenues à des fins administratives. Puisque la période à l’étude pour le présent document a pris fin le 31 mars 2020, la Société n’a pas eu assez de temps pour bien comprendre les mesures prises pour prévenir les cas de COVID-19 et y répondre dans le contexte de la détention liée à l’immigration ni les répercussions de ces mesures sur les personnes détenues pour la période de référence. Par conséquent, les constatations et les recommandations à ce sujet ne seront pas incluses dans le présent rapport.

Lors des visites dans les lieux de détention, la Société a adopté une approche systémique d’évaluation s’articulant autour de quatre volets :

  1. Traitement;
  2. Conditions de détention;
  3. Garanties légales et procédurales;
  4. Communication avec les membres de la famille.

Les visites respectent une procédure normalisée qui comprend les étapes suivantes :

Au cours de la période à l’étude, l’équipe de la Société s’est entretenue avec 361 personnes détenues en vertu de la LIPR dans des CSI et des ECP; la majorité des entrevues ont eu lieu en Ontario, puis au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

Au cours de la période à l’étude et afin de favoriser un environnement protecteur pour les personnes détenues en vertu de la LIPR, la Société a tenu 10 séances d’information sur son mandat à l’intention du personnel de l’autorité responsable de la détention et du personnel en contact direct avec les personnes détenues en vertu de la LIPR. De plus, la Société a tenu 37 rencontres avec des intervenants, y compris des représentants régionaux de l’ASFC, des membres du personnel des services correctionnels provinciaux, des représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), d’organismes d’aide juridique provinciaux et d’organisations non gouvernementales (ONG) locales qui soutiennent les personnes détenues en vertu de la LIPR.

Principales constatations

À la suite des activités qu’elle a menées dans le cadre du PSCD d’avril 2019 à mars 2020, la Société formule les constatations et les recommandations suivantes Note de bas de page 2 :

I. Cohabitation dans les établissements correctionnels provinciaux.

Conformément à sa nature administrative, la détention à des fins d’immigration ne doit pas être punitive. Il faut éviter de recourir aux établissements correctionnels, y compris, mais sans s’y limiter, les prisons et les établissements conçus ou exploités comme des prisons ou des centres de détention, puisque ces environnements exposent les personnes détenues pour des raisons administratives à des politiques et procédures conçues pour gérer les personnes au sein du système de justice pénale. Compte tenu de la nature administrative de la détention liée à l’immigration, les personnes détenues en vertu de la LIPR et hébergées dans des établissements correctionnels devraient être séparées des personnes détenues en vertu du Code criminel, ce qui est un principe bien établi en droit international. Les conditions de leur détention devraient être minimalement restrictives et ces personnes devraient faire l’objet d’un traitement correspondant à la nature administrative de leur détention Note de bas de page 3.

Au cours de la période à l’étude, près de 2 000 personnes détenues pour des raisons liées à l’immigration ont été hébergées dans des établissements correctionnels provinciaux Note de bas de page 4. Dans tous les établissements correctionnels visités, sauf un, la cohabitation des personnes détenues en vertu de la LIPR avec celles détenues en vertu du Code criminel — que ce soit au niveau de la cellule ou de l’unité — demeure une pratique courante. Les conséquences suivantes de la cohabitation sur les personnes détenues en vertu de la LIPR ont été observées :

Néanmoins, avec la mise en œuvre du Cadre national en matière de détention liée à l’immigration, la Société reconnaît que l’ASFC prend des mesures concrètes pour réduire sa dépendance aux ECP, notamment :

Afin de poursuivre les efforts de l’ASFC, la Société recommande ce qui suit :

Enfin, la Société recommande que l’ASFC, dans tous les cas où elle place une personne dans un ECP, s’assure que la personne est détenue dans une unité spécialisée où elle est entièrement séparée de la population détenue en vertu du Code criminel, tout en évitant les situations d’isolement cellulaire pour y parvenir. De plus, les conditions dans ces unités, ainsi que l’accès aux activités et aux services, doivent respecter les normes minimales pour les personnes détenues à des fins administratives.

II. Détention de personnes vulnérables et de personnes en détention à long terme.

Répondre aux besoins des personnes vulnérables est au cœur du mandat du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Toutes les personnes placées en détention sont vulnérables dans une certaine mesure, car elles dépendent de l’autorité de détention pour répondre à leurs besoins fondamentaux. La Société croit qu’il faut éviter la détention des personnes les plus vulnérables Note de bas de page 7, puisqu’elle peut avoir de graves effets négatifs sur leur santé physique et mentale Note de bas de page 8. De plus, dans tous les cas de détention pour des raisons liées à l’immigration, la durée de la détention devrait être limitée dans le temps et la décision de détenir devrait être réévaluée régulièrement. Les facteurs à considérer devraient inclure la nécessité, le caractère raisonnable et la proportionnalité de la détention en tenant compte de l’effet négatif cumulatif sur le bien-être de la personne et, le cas échéant, de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés Note de bas de page 9.

La Société reconnaît les efforts déployés par l’ASFC pour régler le problème de la détention des personnes vulnérables, y compris le déploiement du programme de Gestion des cas et surveillance dans la collectivité. Néanmoins, la Société a continué d’observer des personnes vulnérables en détention liée à l’immigration dans toutes les régions, y compris des personnes ayant des problèmes de santé mentale; des personnes qui fuient un conflit et d’autres situations de violence; des personnes risquant de subir de la violence en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre; et d’autres. Ces personnes sont plus à risque de subir de graves conséquences négatives en détention. De plus, certaines de ces personnes étaient détenues dans des établissements correctionnels provinciaux.

La Société a aussi observé la présence continue d’enfants, y compris des enfants en âge d’être allaités, dans des centres de détention liée à l’immigration, notamment au CSI de Laval, ce qui nuit à leur bien-être. La Société reconnaît les efforts déployés par le personnel de l’établissement pour répondre aux besoins de ces enfants, mais elle réitère que, compte tenu de leur niveau de vulnérabilité et de leurs besoins en matière de développement, il n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être placé dans un établissement de détention. Dans la très grande majorité des cas, l’unité familiale en dehors de la détention serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant Note de bas de page 10.

La Société reconnaît que la durée moyenne et médiane de la détention a été réduite; de plus, le nombre de personnes détenues pendant plus de 99 jours a diminué de façon constante au cours des dernières années Note de bas de page 11. Toutefois, au cours de ses visites, le PSCD de la Société a continué d’observer la présence de personnes détenues pour des raisons liées à l’immigration pendant plusieurs mois, voire des années. Certaines des personnes détenues pendant ces longues périodes présentaient des vulnérabilités supplémentaires, comme le besoin de soutien en santé mentale, et elles craignaient que les effets négatifs de leur détention persistent après la fin de cette dernière. De plus, certaines personnes détenues pendant de longues périodes ont mentionné que leurs relations et leurs liens avec la collectivité avaient été rompus.

La Société encourage l’ASFC à accroître davantage la disponibilité des SRD dans toutes les régions afin de pouvoir les offrir à un plus grand nombre de personnes vulnérables. De plus, il est recommandé d’offrir des SRD adaptées à une plus grande diversité de personnes ayant des besoins spécialisés, notamment des SRD offertes par des organisations compétentes en matière de soins médicaux et en santé mentale qui tiennent compte des traumatismes, étant donné qu’un tel investissement permettra aux autorités de détention de protéger le bien-être des personnes admissibles. Entre autres, la Société recommande d’investir dans le développement de SRD pour les familles ayant des enfants, afin de maintenir l’unité familiale en dehors de la détention; les personnes ayant des besoins en matière de santé physique et mentale, y compris des soins continus en dehors de la détention; et les personnes dont la détention est de longue durée.

La Société recommande que les personnes détenues en vertu de la LIPR reçoivent de l’information afin de mieux comprendre les moyens qui s’offrent à elles pour obtenir des SRD, tant par l’entremise des programmes de SRD de l’ASFC que par d’autres moyens.

La Société considère que le recours aux ECP dans le cas des personnes détenues pour des raisons d’immigration, en particulier les plus vulnérables, est problématique et qu’il faudrait l’éviter. En plus des raisons susmentionnées, la Société fait également remarquer que les ressources nécessaires pour déterminer et évaluer en permanence les besoins particuliers des personnes vulnérables étaient limitées dans les ECP visités, y compris les interactions réduites avec les agents de l’ASFC. En outre, les ECP visités par la Société offrent peu de soins et de soutien aux personnes détenues en vertu de la LIPR qui ont des besoins spécialisés, comme les personnes qui ont déjà subi un traumatisme ou qui ont besoin de soutien en santé mentale.

III. Accès aux soins de santé.

La détention peut nuire au bien-être général d’une personne et exacerber ses problèmes de santé mentale et physique existants. Par conséquent, lorsque la détention en vertu de la LIPR s’impose, les personnes détenues devraient subir un examen médical effectué par un professionnel de la santé qualifié dès que possible après leur admission, et obtenir des traitements et des services médicaux réguliers tout au long de leur détention Note de bas de page 12. L’accès complet au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) ou à un programme équivalent est essentiel, quel que soit le lieu de détention.

La Société reconnaît les efforts déployés par l’ASFC en matière de prestation de soins de santé pendant la détention de personnes dans les CSI; les personnes détenues dans les CSI ont indiqué avoir accès en temps opportun au PFSI et à la protection supplémentaire qu’il offre, y compris les services et le soutien en santé mentale.

Cependant, l’accès aux soins de santé pour les personnes détenues pour des raisons d’immigration dans des ECP variait grandement d’un établissement à l’autre. Selon nos observations, l’accès aux soins de santé dépendait de la couverture provinciale, de la capacité d’accéder aux services couverts par la protection supplémentaire du PFSI, des visites d’agents de liaison en matière de détention (ALD) de l’ASFC ou d’agents ayant des fonctions semblables à celles d’un ALD, qui aident les personnes détenues à accéder aux services de soins de santé, et des problèmes structurels tels que le manque de personnel dans les établissements et le roulement élevé du personnel médical. Dans de nombreux ECP, les soins spécialisés en santé mentale étaient particulièrement difficiles à obtenir et les services offerts étaient souvent limités à des interventions en situation de crise. Dans certains établissements correctionnels provinciaux, des personnes ayant des besoins en santé mentale ont été placées dans une unité d’isolement qui ne répond pas aux besoins sous-jacents et qui présente un risque d’aggraver leur état de santé mentale en raison de l’isolement, de mouvements très restreints et d’un accès limité aux services et aux interactions sociales.

Dans l’un des établissements correctionnels provinciaux visités, aucun examen médical n’était effectué par du personnel qualifié à l’admission, entraînant ainsi un risque pour la santé publique et des interruptions de traitement également.

La Société recommande que l’ASFC, quel que soit le lieu de détention, donne aux personnes détenues en vertu de la LIPR un accès complet et rapide aux services couverts par le PFSI ou une couverture équivalente. Une attention particulière devrait être accordée aux personnes les plus vulnérables, y compris celles qui ont reçu un diagnostic de maladie mentale ou qui ont déclaré avoir besoin de soutien en santé mentale. De plus, il serait important d’envisager d’étendre cette couverture aux personnes visées par des SRD.

IV. Conditions de détention : les activités religieuses, culturelles, éducatives et loisirs.

L’absence d’activités à but précis est un aspect dommageable de la détention; elle accroît le désespoir et a des effets négatifs importants sur le bien-être d’une personne; ces effets sont exacerbés lorsque la détention est prolongée. En vertu du droit international Note de bas de page 12, les personnes détenues doivent avoir le droit à l’activité et aux loisirs ainsi que l’accès à des programmes éducatifs, en conformité avec le statut non criminel des personnes détenues pour des raisons d’immigration.

Au cours de la période à l’étude, certaines personnes détenues dans des CSI et des ECP ont déclaré avoir accès à des activités, tandis que d’autres personnes détenues dans les ECP visités ont déclaré ne pas avoir suffisamment d’information sur la façon d’accéder aux activités ou ne pas y être admissibles compte tenu de leur statut, la plupart des programmes n’étant destinés qu’aux personnes déclarées coupables.

La Société recommande que l’ASFC veille à ce que les personnes détenues pour des raisons d’immigration aient accès à des activités récréatives, culturelles et éducatives, quel que soit leur lieu de détention. L’accès à de telles activités est fortement encouragé dans un contexte de détention, car elles sont importantes pour le bien-être d’une personne, y compris son développement personnel, sa santé physique et mentale, ainsi que son inclusion sociale et culturelle. De plus, elles peuvent contribuer à réduire les effets négatifs de la détention en réduisant le stress et en favorisant des interactions positives avec les autres.

V. Accès à l’information.

Les personnes détenues en vertu de la LIPR devraient avoir accès à l’information relative à leur processus administratif et à leurs droits, comme le droit d’être représenté par un avocat. Au moment de leur admission, les personnes détenues pour des raisons d’immigration devraient recevoir de l’information sur le lieu de détention où elles sont hébergées, les activités et les services disponibles, et sur la façon d’y accéder Note de bas de page 14. Cela comprend de l’information sur les soins de santé, les mécanismes de plaintes, les politiques sur l’utilisation des téléphones et les demandes d’appels internationaux ou vers des téléphones cellulaires, les politiques, les procédures et les horaires concernant les visites familiales, ainsi que les règles et les mesures disciplinaires au sein de l’établissement de détention. Cette information doit, au besoin, être transmise par un interprète qualifié et impartial qui sera facilement disponible à des moments clés du processus de détention liée à l’immigration Note de bas de page 15.

Le niveau d’information que possédaient les personnes détenues en vertu de la LIPR dépendait de la région où elles étaient détenues, du type d’établissement et de la fréquence des contacts avec le personnel de l’ASFC. La transmission de l’information aux personnes détenues dans les CSI a été facilitée par la présence constante d’agents de l’ASFC permettant un contact régulier et direct entre l’ASFC et les personnes détenues.

Dans les établissements correctionnels provinciaux, la transmission de l’information variait grandement. Les personnes détenues dans les établissements correctionnels qui recevaient régulièrement de la visite des membres du personnel de l’ASFC, comme des ALD, avaient tendance à obtenir les renseignements de base dont elles avaient besoin. De plus, l’élaboration de documents propres aux établissements dans certaines régions, comme dans la région du Grand Toronto (RGT), a grandement favorisé la diffusion de l’information sur l’obtention de services. Toutefois, les personnes détenues dans des ECP qui n’avaient pas eu l’occasion de rencontrer un ALD ou d’autres agents de l’ASFC ayant des fonctions semblables ont déclaré avoir de la difficulté à accéder à certains services comme les soins médicaux ou à effectuer des appels internationaux ou à partir de téléphones cellulaires et, dans certains cas, ils ignoraient l’existence de certains services auxquels ils avaient accès.

Selon l’établissement dans lequel elles étaient détenues, certaines personnes qui ne maîtrisaient pas la langue dans laquelle se déroulaient les interactions n’avaient pas accès à des services d’interprétation professionnels. L’absence de tels services d’interprétation a été fréquemment signalée, par exemple, pendant les examens médicaux et le processus d’admission.

La Société comprend que l’ASFC compte compléter la trousse d’information à l’intention des personnes détenues en vertu de la LIPR. Compte tenu du fait que divers facteurs, dont l’alphabétisation et le stress, ont une incidence sur la capacité d’une personne détenue à absorber l’information, la Société recommande de compléter le système existant par des moyens supplémentaires d’échange d’information dans diverses langues et sous divers formats. Cela devrait inclure la mise à disposition ou la présentation régulière de matériel audiovisuel verbal, écrit ou enregistré.

La Société recommande fortement le recours à des services d’interprétation professionnels à des moments clés du processus de détention, y compris des séances d’orientation dans les établissements, en particulier lorsque des consultations médicales ou en santé mentale sont offertes ou dans le cadre de toute autre interaction de nature confidentielle ou décisive. Les membres du personnel des unités des établissements correctionnels provinciaux devraient avoir accès à des services d’interprétation, comme le service offert par téléphone, pour faciliter les communications quotidiennes avec les personnes détenues en vertu de la LIPR.

Compte tenu du soutien que peuvent offrir les ALD et des efforts continus de l’ASFC sur cette question, la Société recommande de continuer d’élargir la tenue de réunions initiales avec ces agents ou d’autres agents exerçant des fonctions équivalentes à celles d’ALD, ainsi que de tenir des réunions régulières tout au long de la période de détention avec toutes les personnes détenues en vertu de la LIPR dans des établissements provinciaux, qu’elles se soient ou non entretenues avec d’autres agents de l’ASFC.

VI. Capacité de communiquer et de maintenir le contact avec la famille.

Les personnes détenues pour des raisons d’immigration doivent pouvoir communiquer régulièrement avec les membres de leur famille et leurs amis, peu importe où elles sont détenues. Il peut s’agir de communications verbales et écrites, et de visites en personne. Ce droit est garanti par les cadres juridiques nationaux et internationaux Note de bas de page 16. La communication régulière et significative est essentielle pour réduire le stress de la séparation familiale et l’incidence négative de la détention. Elle aide également les personnes détenues à réunir les documents nécessaires pour régulariser leur statut d’immigration ou pour préparer leur renvoi du pays.

Les téléphones dans les CSI sont accessibles et permettent d’effectuer des appels locaux sans frais et des appels vers des téléphones cellulaires. Il est également possible d’effectuer des appels interurbains nationaux et internationaux avec les cartes d’appel que l’on peut acheter, mais les appels internationaux peuvent être très coûteux. Pour les personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter des cartes d’appel, l’ASFC leur permet d’effectuer des appels interurbains nationaux et internationaux sans frais à titre exceptionnel ou, dans le cas du CSI de Laval, une ONG locale offre des cartes d’appel gratuites aux personnes moins nanties.

Dans la cadre du PSCD, la Société a observé que les personnes détenues dans les ECP éprouvaient des difficultés à maintenir le contact avec la famille, notamment en raison des obstacles suivants :

La Société reconnaît les efforts déployés par l’ASFC pour combler les lacunes qui limitent la capacité des personnes détenues de maintenir le contact avec leur famille. Dans certains établissements correctionnels provinciaux de la RGT, l’ASFC a mis en place des mesures telles que l’introduction d’un téléphone cellulaire dans l’établissement pour offrir aux personnes détenues en vertu de la LIPR la possibilité d’effectuer des appels, ou la présence permanente d’un membre du personnel de l’ASFC dans l’établissement correctionnel offrant aux personnes détenues pour des raisons d’immigration la possibilité d’effectuer des appels téléphoniques gratuits. De plus, certains établissements correctionnels permettent que des appels soient effectués avec l’aide de travailleurs sociaux ou des services de l’aumônerie, même si le processus n’est pas toujours bien connu et que les appels ne sont pas systématiquement offerts.

Les visites avec contact étaient autorisées au CSI de Laval. Le CSI de Toronto rénové et le nouveau CSI de Surrey disposent tous les deux d’infrastructures permettant ce type de visites, mais l’étendue de leur disponibilité n’était pas définie au moment de la rédaction du présent rapport. Les visites avec contact pour les personnes détenues en vertu de la LIPR n’étaient pas autorisées dans tous les ECP visités dans le cadre du PSCD. L’ASFC a facilité les visites de membres de la famille pendant les audiences en personne, mais ces visites étaient offertes à la discrétion de l’ASFC et n’avaient pas lieu régulièrement.

La Société recommande que l’ASFC envisage des solutions pour permettre à toutes les personnes détenues en vertu de la LIPR, peu importe l’établissement où elles sont détenues, de maintenir un contact régulier avec leur famille et leurs amis, en tirant parti des nouvelles technologies dans la mesure du possible, tout en mettant en œuvre des mesures adéquates pour protéger la confidentialité. Cela comprend les appels locaux, les appels interurbains et internationaux aux lignes terrestres et aux téléphones mobiles. La Société recommande également que les personnes détenues en vertu de la LIPR soient adéquatement informées des possibilités de communiquer avec leur famille et leurs amis.

Pendant que des solutions à long terme sont en cours d’élaboration, la Société encourage l’ASFC à continuer de travailler avec les ECP pour mettre en œuvre des solutions provisoires aux problèmes liés aux appels téléphoniques.

Enfin, les possibilités de visites avec contact, particulièrement dans les cas où la famille est séparée en raison de la détention d’un parent ou d’un tuteur en vertu de la LIPR, devraient être offertes sur une base régulière, quel que soit le lieu de détention de la personne et, le cas échéant, conformément à l’intérêt supérieur des enfants touchés.

Conclusion

La Société est un organisme humanitaire indépendant, neutre et impartial. Son mandat, défini dans le droit canadien et dans les statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, est de prévenir et d’atténuer la souffrance humaine. Les méthodes de la Société en matière de suivi des conditions de détention sont fondées sur les pratiques exemplaires et les processus du Comité international de la Croix-Rouge qui s’efforce d’obtenir depuis plus d’un siècle un traitement et des conditions de détention sans cruauté pour les personnes privées de leur liberté. Dans le contexte de l’intervention entreprise par le Mouvement pour contrer les conséquences humanitaires de la migration, la Société a entrepris de surveiller les conditions de détention en 1999. Elle agit conformément à ses Principes fondamentaux en formulant des observations et des recommandations impartiales aux autorités canadiennes dans le but de protéger les droits et d’améliorer les conditions de détention des personnes détenues en vertu de la LIPR.

Ces activités sont administrées par le PSCD de la Société conformément à l’entente conclue entre la Société et l’ASFC pour la période du 28 juin 2017 au 15 juillet 2019 et prolongée au 15 juillet 2020 inclusivement. Ce rapport présente les observations et les recommandations de la Société sur la détention liée à l’immigration après 58 visites dans 25 établissements entre avril 2019 et mars 2020.

Les constatations et les recommandations énoncées dans le présent rapport visent à améliorer les conditions de détention des personnes détenues pour des motifs d’immigration dans un certain nombre de domaines, notamment :

D’après ses constatations et observations découlant des activités du PSCD menées entre avril 2019 et mars 2020, la Société formule les principales recommandations suivantes :

La Société est prête à discuter des conclusions de ce rapport avec l’ASFC et à fournir des commentaires et des conseils objectifs sur la façon de renforcer l’environnement protecteur dans le contexte de la détention liée à l’immigration au Canada.

Normes pertinentes

CDE
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989)
CTM
Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990)
EPP
Ensemble de principes des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes sous toute forme de détention ou d’emprisonnement (1988)
HCR PD
Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d’asile et alternatives à la détention (2012)
PA CADH
Protocole additionnel de l’Organisation des États américains (OEA) à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (1988)
PBPPPPLA
Principes et bonnes pratiques de protection des personnes privées de liberté dans les Amériques de l’OEA et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) (2008)
PIRDCP
Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (1966)
PMM
Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2018)
PMR
Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, deuxième partie : Pacte mondial sur les réfugiés (2018)
PTP
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole contre la traite des personnes) (2000)
RB
Règles des Nations Unies concernant le traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les femmes délinquantes (Règles de Bangkok) (2010)
RMT
Assemblée générale de l’ONU, Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), résolution / adoptées par l’Assemblée générale, 8 janvier 2016, A/RES/70/175
RPMPL
Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (1990)
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